Auteur: Richard Robertson

Utiliser la surveillance intelligente pour faire que les trains roulent

Notre experte en surveillance des conditions, Richard Robertson, DG de Pandrol Plymouth, partage son expérience de comment les gestionnaires des lignes ferrés peuvent maintenir les services des trains avec les conditions automnales

Notre spécialiste de la surveillance de l’état des voies, Richard Robertson, DG de Pandrol Plymouth, partage son expertise sur la manière dont les données de surveillance peuvent être utilisées pour éviter les interruptions de trafic en automne

« Les feuilles tombant sur les voies sont un problèmes classique et récurrent, tout particulièrement en automne, saison durant laquelle cela peut créer de réelles difficultés pour les exploitants, provoquant les retards et même des interruptions de trafic ponctuelles. Cette problématique est encore grave dans les pays comportant des zones densément boisées comme l’Amérique du Nord, le Canada, certaines régions du Royaume-Uni et d’Europe.

Pour bien comprend l’étendue du problème, un arbre adulte peut perdre entre 10 000 et 50 000 feuilles et chaque année ce sont des milliers de tonnes de feuilles qui tombent sur les seules voies du Royaume-Uni. Network Rail, propriétaire et exploitant de la plupart des voies au Royaume-uni tente d’éviter les retards en élaguant les arbres et en taillant la végétation le long des voies et déploie également des trains laveurs qui projettent de puissants jets d’eau sur les rails pour décoller et enlever les feuilles.

Certains opérateurs vont même jusqu’à établir des « horaires foliaires » en automne, donnant plus de temps aux trains pour effectuer leur trajet et ralentir dans les gares afin qu’ils arrivent à l’heure. Si nous mettons de côté ces horaires, pourquoi la présence de feuilles sur les voies est un tel problème pour les gestionnaires de réseau et quelles sont les innovations capables d’y apporter des solutions ?

Bien comprendre le problème

Les feuilles rendent les voies glissantes et font perdre de l’adhérence aux locomotives. Les roues peuvent se mettre à patiner lors des accélérations des motrices et à glisser lors des freinages. Malgré les grandes avancées apportées aux systèmes de protection des roues contre les pertes d’adhérence (Wheel Slide Protection – WSP), ils ne peuvent qu’optimiser l’adhérence. Les systèmes WSP tentent de protéger les roues du train pendant les arrêts, mais les transitions rapides entre rails secs et rails humides, et inversement, peuvent parfois conduire à la formation de plats sur les roues lors du freinage

Les plats des roues se produisent lorsque l’essieu est trainé sur la voie alors que l’ensemble roue/essieu n’est plus en rotation. Les plats sont souvent causés par l’utilisation des freins de secours ou un état des voies qui les rendent glissantes provoquant le blocage des roues alors que le train continue à avancer. Les plats sont plus fréquents en automne et en hiver lorsque les rails sont glissants, mais ils peuvent être également causés par un système de freinage défaillant ou des paliers d’essieu défectueux. Lorsque des plats se sont formés sur les roues, ils génèrent ce bruit sourd et saccadé caractéristique que les passagers peuvent alors entendre lorsque les plats passent le rail. Ce bruit est causé par l’impact des bords des plats avec la surface de roulement du rail, à mesure que le temps passe les bords, au départs nets, s’usent, la force d’impact augmente et le bruit s’atténue, la détection des plats à l’oreille est donc difficile.

Si le plat est très petit, le wagon peut continuer à être utilisé. Le défaut est corrigé plus tard lors de la procédure de rénovation des boggies. Toutefois, du fait de l’échauffement entrainé par les roues trainant sur le rail et des impacts que celles-ci supportent, le risque de casse des roues est plus élevé du fait des modifications intervenant dans la structure de l’alliage. Si le plat est très important, des filaments de métal en fusion peuvent se coller sur un des côtés du plat, empêchant la roue de tourner en raison d’un espace insuffisant entre la surface de roulement et le patin de frein. Dans ce cas, l’essieu doit être remplacé immédiatement. Dans des cas extrêmes, une roue dont le plat n’est pas corrigé peut endommager la voie et provoquer un déraillement. Les roues restant lisses, mais plus totalement rondes (circulaires), génèrent de plus en plus de force à mesure que le train accélère, jusqu’à un point où ces forces entrainent de graves dommages sur les rails. À leur niveau extrême, ces forces peuvent être suffisantes pour casser des rails qui présentaient déjà de petites fissures ou défauts.

Veiller à l’état des roues et des essieux

Un bon exemple de situation extrême causée par un plat s’est passé sur le réseau Metro-North Railroad à New York où un plat à généré tellement de déséquilibres au niveau de l’essieu que celui-ci s’est cassé et que la roue a été éjectée dans la rivière Hudson. Les conséquences auraient vraiment pu être pires car les rames passent sur un viaduc en traversant Manhattan avant d’arriver à Grand Central Terminal. La FRA (Federal Railroad Administration) a ordonné que Metro-North réalise des inspections visuelles régulières de ses roues. Ce n’est pas une tâche facile puisque cela fait plus de 20 km de surface de roulement à inspecter chaque jour.

Au lieu d’appliquer la méthode de l’inspection visuelle, Metro-North a opté pour un système d’inspection automatique (AIS) nettement plus efficace, le dispositif WheelChex® qui se compose de 32 capteurs MultiSensors™ Vortok placé sur chacune des quatre voies du tunnel Park Avenue sous Manhattan, soit un total de 128 capteurs par installation. Contrairement aux systèmes AIS traditionnels qui utilisent des jauges de contrainte collées, difficiles à installer et qui nécessitent beaucoup d’entretien, les capteurs Vortok sont intégrés aux rails et forment un ensemble mesurant le profil de force de chaque roue lorsqu’elle passe au niveau du système. Ce profil de force est utilisé pour déterminer la rondeur et le lissé de chaque roue en surveillant le poids moyen et la force maximale (résultant des impacts) des roues.

« Les capteurs Vortok sont intégrés aux rails et forme un réseau qui définit le profil de force appliquée par chaque roue lors de son passage au niveau du système. »

Le calcul du rapport entre la charge moyenne et les pics de charge appliquée est une bonne mesure de l’état d’une roue, et simple qui plus est car il s’agit d’une simple valeur. Toute valeur dépassant un rapport de deux est notée et transmise aux responsables de l’entretien du matériel roulant, et toute valeur dépassant cinq constitue une urgence, le train est arrêté dès que cela peut être fait en toute sécurité. Grâce à ces informations, combinées à l’analyse des données relatives aux roues, Metro-North a pu établir un système de gestion des roues capable de détecter les plats de manière précoce puis de suivre l’évolution de l’état de la voie et des dommages à la roue.

La fiabilité du système WheelChex renseigné par les capteurs Vortok a été telle pour Metro-North que la société, en partenariat avec Long-Island Railroad, a lancé un appel d’offres pour la construction et la livraison de 3  postes TFD (Train Fault Detector) en plus des systèmes déjà en place, en y ajoutant des capteurs thermiques de détection des roues et paliers chauds et une analyse des données améliorée. Vortok International a remporté ce contrat et a combiné la technologie WheelChex existante aux systèmes de détection des roues et paliers de roulement chauds de Progress Rail afin de créer une première dans le secteur du transport ferroviaire américain en combinant ces mesures en un seul endroit.

Ce système TFD innovant offre un aperçu complet de l’état des roues et des essieux et permettra aux compagnies de chemin de fer de bénéficier d’informations opérationnelles sous forme de messages et d’alertes leur indiquant si un véhicule en particulier présente un risque pour l’infrastructure. Grâce aux nouveaux algorithmes, il sera possible de planifier à l’avance et d’éviter certaines situations de « panique » lorsque les feuilles tombent en automne, période à laquelle la plupart des problèmes de roues arrivent.

L’innovation dans ce secteur a conduit à la mise au point de solutions qui non seulement résolvent la source évidente des problèmes, tels que les plats en automne, mais qui s’attaquent également à des problèmes complexes tels que la détection des roues et des paliers de roulements chauds. Grâce aux données statistiques des TFD, les opérateurs ferroviaires sont plus forts et peuvent plus efficacement et planifier les achats d’équipements et bénéficier ainsi de meilleurs tarifs et délais de livraison. Il sera intéressant de voir l’évolution de cette technologie à l’avenir.